Une statue d’un athlétique de type subsaharien torse nu, tenant à la fois une femme dont le pagne flotte au vent et un enfant qui pointe le large. Une sculpture portée à son origine pour marquer l’histoire du continent et son avenir. Au cœur de Dakar, cette œuvre colossale qui symbolise la renaissance s’est imposée dans l’espace public et architectural
Le Monument de la Renaissance, une sculpture de cent quatre-vingt-dix tonnes pour cinquante-deux mètres de haut, niche sur une des deux collines appelées mamelles dans la commune de Ouakam à Dakar.
L’emplacement de l’édifice sur un de ces sites revêt d’une grande symbolique. Ce lieu de 100 mètres d’altitude est sur la partie la plus avancée du continent africain dans l’océan Atlantique, face à l’Amérique et ainsi dire, face au reste du monde. Un choix qui se justifie, non seulement du point de vue physique, par sa hauteur, mais aussi par le mythe qui l’entoure. À noter que sur l’autre mamelle surgit le phare de Dakar qui, depuis plus d’un siècle, facilite la navigation. D’ailleurs, le non moins célèbre Birago Diop, dans ces récits dans Les contes d’Amadou Koumba, accordait une place de choix afférant à l’origine de ces deux collines.
La sculpture elle-même, reposant sur un puissant socle en béton de six mille huit-cent dix tonnes est faite de bronze et de cuivre. Avec un intérieur creux de quinze étages, on peut la visiter et y voir des expositions à chaque niveau.
La renaissance vers la lumière
La statue du Monument de la renaissance africaine représente une famille dressée vers le ciel, avec l’homme portant son enfant sur son biceps et tenant sa femme par la taille. Elle symboliserait « une Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l’obscurantisme pour aller vers la lumière ».
La famille qui jaillit de cette colline volcanique représente celle africaine, même si elle est d’usage souvent plus nombreuse. Elle trouve son essence dans les profondeurs de la terre, évoquant par-là l’esclavage, la colonisation ; l’histoire terrible, désastreuse et sombre de l’Afrique et sa diaspora.
Le Monument de la renaissance africaine trouve donc son ancrage dans cette histoire pour se projeter vers la lumière, la grandeur, la prospérité, la dignité. La renaissance dont il est question renvoie plus au futur qu’à l’histoire. L’aspiration est portée par chacun des trois personnages de la statue. Mais la plus remarquable est à retrouver chez l’enfant porté par son paternel. Ce gros bébé symbole d’espoir, est le prolongement de cette symétrie étonnante que dégagent les lignes de la statue partant des bras tendus de la mère jusqu’au doigts innocent de l’enfant qui pointe vers l’avenir. L’édifice symbolise la force, la puissance et l’énergie car pour sortir de ce cratère il faut énormément de vitalité que chaque africain doit faire sienne pour que rayonne encore l’Afrique berceau de l’humanité. Ce monument de la renaissance récuse ainsi l’idée d’un repli sur soi, même s’il donne à chaque africain le sens de l’estime de soi pour s’instruire et s’enrichir de savoirs afin de jouer un rôle à égalité dans ce monde
De la polémique à l’appropriation
Le Monument de la renaissance africaine, pensé par l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, a été très décrié dès l’annonce de sa conception, durant sa construction jusqu’au jour de son inauguration. Son coût et surtout le choix d’une équipe nord-coréenne pour sa réalisation ont été perçu comme une contradiction avec cette idée de renaissance ou de dignité de l’Afrique. Mais pour les visiteurs, ce monument consacré à la renaissance du continent africain, est surtout un ouvrage architectural, objet de curiosité. Il est désormais partie intégrante du décor de la capitale sénégalaise et fait la fierté des africains par son nom, par sa symbolique et son imposant aplomb pour rivaliser avec les plus grands monuments du monde. Du pied de la colline des mamelles, pour l’admirer de près, il faut braver cent quatre-vingt-dix-huit marches.
Dessinée par l’architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atépa, cette œuvre a été inaugurée le 3 avril 2010 à la veille des cinquante ans d’indépendance du Sénégal et de beaucoup d’autres Etats africains.
Par Oussama Monique Sagna, Journaliste, Critique d’art ( Sénégal )
Nb: Article produit dans le cadre de la 1e session de la formation en critique d’art organisée par l’Agence Panafricaine d’ingénierie Culturelle (APIC)